American Dream – la poursuite de votre rêve
Vous êtes d’humeur voyageuse et blasé de votre quotidien qui ne vous excite pas vraiment… "Et si je partais moi aussi à l’étranger?" Vous allumez votre ordi et vous errez sur des sites d’échange qui vous promettent une vie à l’étranger pleine de rebondissements et de flashs qui crépitent. Excitant ! Vous évaluez le cout du programme qui vous ferait partir aux Etats-Unis. Plein d’entrain, vous jetez aussitôt un œil à votre compte bancaire. Vous fermez aussitôt la page internet du programme d’échange. En traitant la mère du fondateur de l’organisme.
En regardant par la fenêtre de votre chambre, vous vous demandez si vous allez un jour sortir d’ici et vivre votre rêve. Peut être aussi que des archéologues du futur retrouveront vos ossements dans un fauteuil de votre chambre. Face à la télé branchée sur l’émission de Drucker. Et ceux d’une douzaine de chats, seuls compagnons de fortune de votre misérable vie. Qui en plus se font les griffes sur vos joues quand vous voulez les caresser.
Jusqu’à ce que… Mais oui ! Vous foncez sur votre chaise d’ordinateur, virez le chat qui se croit chez lui partout, ouvrez Google et pianotez sur le clavier. « AU PAIR ». Votre vie vient de changer.
Une image d’une fille contente (peut-être vous !), entourée par des enfants pas antipathiques du tout et qui n’ont pas d’épinards autour de la bouche. Des conditions que vous remplissez, un pays (les Etats-Unis) magnifique à visiter et qui n’attend plus que votre trace de pneu sur sa route 66. Vient le moment fatidique, le prix. Vous serrez les fesses et invoquez la mère du fondateur de l’organisme du site précédent. Surprise ! Vous avez largement de quoi financer ce programme !
Pris d’une joie soudaine, vous shootez dans votre chat et marquez un but dans votre poster de Justin Bieber. Oui, les archéologues du futur ne retrouveront pas vos ossements devant votre télé mais dans votre villa de Santa Monica en train de faire la fête avec vos amis du show business américain. Let’s get it started baby!
Back to reality
Mes amis, gardez les pieds sur terre et posez vous cette question toute simple.
Excité à l’idée de partir et parler anglais parfaitement, nous (oui, moi aussi je l’ai fait) ne pense même pas aux gens chez qui nous allons vivre ces 12 mois en immersion totale. Qui a besoin d’un au pair ? Parce qu’à la base, si c’est seulement pour garder les enfants quand les parents travaillent… On prend une baby-sitter pas vrai ? Elle est dans le voisinage, on la connaît, on lui donne 40$ pour la soirée, elle est contente et les parents aussi. Mais alors pourquoi faire venir un jeune d’un autre pays dans sa maison pour ce travail ?
Les familles d’accueil vont vous donner 10.000$ de salaire pour l’ensemble de l’année. Elles vont payer l’agence d’au pair 15.000$ l’année. Oui, vous avez bien lu, pour avoir un au pair, les familles d’accueil déboursent chaque année 25.000$ minimum (environ 18.500€). Une petite fortune. Croyez vous vraiment qu’à ce prix là les familles d’accueil ne sont animées que d’un désir « d’échange culturel », « d’intégration d’un étranger dans la famille », garanties promises par l’agence d’au pair ?
Malheureusement non ! La majorité des familles d’accueil se moque parfaitement de savoir s’ils jouent bien leur rôle d’ambassadeur de leur pays pour vous, jeune au pair. Soyons honnête : à 25.000$ l’année (sans compter les frais supplémentaire : nourriture, essence pour les trajets…) les familles d’accueil veulent du travail ! Elles vont profiter de votre vulnérabilité de jeune travailleur et votre incapacité à vous défendre dans une autre langue pour « gratter » au maximum sur les tâches qui vous sont demandées. Les au pairs n’ont pas de protection face à leurs patrons, pas de syndicats, tout au plus une LCC qui vous écoutera d’une oreille compatissante mais bien impuissante face à vos problèmes.
La différence entre la baby-sitter et nous, les au pairs ? Nous restons dans la maison. Tous les jours de la semaine. Et sous prétexte que nous partageons le même toit, il nous est logiquement demandé d’effectuer les tâches ménagères de la maison et du jardin (ben voyons !). Et voilà, le tour est joué ! Cela s’appelle prendre un domestique pour moins cher qu’un domestique.
Certaines familles sauront faire la différence entre au pair et domestique et s’en tiendront à quelques coup de main (normal quand on vit en groupe). D’autres vous demanderont dans votre emploi du temps de vider la terre des pots de fleurs, ramasser les feuilles du jardin dans des sacs et pelleter la neige.
Encore une fois, je précise qu’il est normal d’aider sa famille d’accueil. Porter les sacs lorsqu’ils reviennent des courses, passer le balai après un repas… Bien sûr qu’il faut s’entraider ! Mais bien souvent, les familles d’accueil ne savent pas s’arrêter et demandent trop. Nous sommes des au pairs, nous demander de pelleter le mètre de neige devant le garage (véridique) ou de classer les dvd par ordre alphabétique dans le classeur des dvd (véridique aussi) ne fait pas partie de notre contrat !
Travailler aux Etats-Unis au même prix que le salaire minimum du Portugal
Le coup de grâce : les au pairs sont payés 195$ la semaine. Pour 45 heures de travail (le maximum par semaine). 195 dollars/45 heures= 4,33$. Vous gagnerez par heure de travail, 4,33 dollars. Soit un peu plus de 3,11€ de l’heure. C’est à peine plus que le smic horaire portugais (2,78€).
Pourtant, le smic horaire des Etats-Unis est à 7,25$ soit 5,29€ par heure de travail. Payer un travailleur moins de 7,25$ par heure est illégal au pays de l’oncle Sam. Alors pourquoi les au pairs ne sont payés que 4,33$ ?
Par un tour de passe-passe ! Les au pairs ne sont pas reconnus comme des travailleurs salariés mais comme des étudiants en échange. L’argent gagné est donc perçu comme une compensation et non un salaire. Par ce statut « d’étudiant en échange », nous échappons aux réglementations du travail et pouvons être payé 4,33$ de l’heure. Vous savez maintenant pourquoi il est impératif pour les agences d’au pair de vous faire entrer à l’université pour y suivre quelques cours (6 crédits). Pas pour votre culture mais pour que les familles d’accueil puissent continuer de sous-payer leurs au pairs.
Certes, j’exclue volontairement de mon calcul le coût du logement et de la nourriture. Pour avoir le revenu exact de chaque au pair, il faudrait calculer les frais de logement et les frais de nourriture. Impossible bien sûr, chaque famille payant un loyer différent et ayant un budget nourriture différent.
Mais même en comptant ces critères, beaucoup d’au pair restent sous-payés. Chaque famille qui entre dans le programme est censée nourrir son au pair et lui fournir une chambre privée. Mes deux familles d’accueil se sont plaint que je mangeais trop. La dernière m’a imposé un sandwich au lieu d’un repas tous les jours. Et pour le logement, ma première famille d’accueil m’a fait dormir sur un canapé pendant 6 semaines dans la salle de jeu des enfants. Je n’ai eu ma chambre qu’après 3 mois.
Voilà pourquoi il est difficile d’évaluer le bénéfice du loger/nourri dans le salaire des au pairs.